Correction fraternelle : Mt 18,15-20

Pierre-Nicolas Chapeau - Chapelain militaire

C’est à la lumière de la communion des saints qu’il faut envisager cette épineuse question de la correction fraternelle, que le Christ nous fait un devoir de pratiquer. Elle est difficile, parce que depuis Caïn, l’homme ne veut être comptable que de son seul salut, pas de celui de l’autre, de son frère : « Suis-le le gardien de mon frère ? »

Cette réplique n’effleure-t-elle pas trop souvent notre cœur ? C’est alors que nous maquillons cette dérobade avec des motifs apparemment nobles : la vie des autres ne me regarde pas, je ne suis pas mieux, alors de quel droit vais-je juger la conduite d’autrui ?

 

L’amour de charité n’exige pas seulement que je soulage mon prochain des détresses du corps. Elle exige aussi que je fasse tout pour le tirer des périls de l’âme. Sinon, il y a non-assistance à personne en danger, en danger de perdre la vie éternelle.

 

Ne pas reprendre un frère qui pèche, c’est laisser un incendie se propager, c’est laisser une âme s’exposer à la perdition, à l’égarement, c’est laisser un aveugle marcher vers un trou sans lui crier gare.

 

Par le baptême et notre profession de foi chrétienne, nous sommes établis comme « des guetteurs de la maison d’Israël », à l’instar du prophète Ézéchiel. Le guetteur, c’est celui qui se tient sur un endroit élevé pour voir arriver de loin le danger, et pour donner l’alarme. 

Nous ne serons des guetteurs efficaces pour nous-mêmes et nos frères que si nous nous tenons sur la hauteur. Pas celle de la suffisance, de l’orgueil, de la morgue, d’un sentiment de supériorité impur, mais celle de l’humilité, de la prière et d’une vie sainte. Vous savez que celui qui vit chrétiennement n’a même pas besoin d’ouvrir la bouche : sa vie est un reproche permanent pour les impies.

 

Le guetteur, c’est celui qui veille, qui tient toujours son attention en alerte. La veille, c’est l’amour, qui guette le retour de l’Époux. Comment la joie de ce retour pourrait-elle être complète avec l’idée qu’un frère ait pu se perdre à cause de mon silence, de ma complaisance ?

 

Demandons à l’Esprit saint le courage d’exercer la correction fraternelle, avec justesse et tact, de façon à ce que les reproches que nous serions amenés à formuler ne soient pas dictés par l’agacement, mais par l’amour. Soyons aussi prêts à recevoir ces corrections comme  des marques de la délicatesse divine, qui nous ne reprend pas seulement par la sainte Écriture, mais aussi par les avertissements du prochain.