Notre espérance n’est pas vague ; elle n'est pas un sentiment changeant ou une velleité de changer le monde, à la force du poignet. "Notre espérance est une personne, c’est le Seigneur Jésus que nous reconnaissons vivant et présent en nous et en nos frères". Une idée, parmi d'autres, développées par le Pape François en avril.
La tentation du pharaonisme
Aux consacrés, en Égypte, le 29 avril 2017 :
« Au milieu de tant de raisons de se décourager, et parmi tant de prophètes de destruction et de condamnation, au milieu de tant de voix négatives et désespérées, soyez une force positive, soyez la lumière et le sel de cette société; soyez la locomotive qui tire le train en avant, droit vers le but; soyez des semeurs d’espérance, des bâtisseurs de ponts et des artisans de dialogue et de concorde. »
Cela est possible si le consacré ne cède pas aux « sept tentations qu’il rencontre chaque jour sur sa route. » Parmi elles, « la tentation du ‘pharaonisme’ (nous sommes en Égypte!), c’est-à-dire de durcir le cœur et de le fermer au Seigneur et aux frères. C’est la tentation de se sentir au-dessus des autres et donc de les soumettre à soi par vaine gloire; d’avoir la présomption de se faire servir au lieu de servir. C’est une tentation commune, depuis le début, parmi les disciples, qui – dit l’Évangile- ‘en chemin, avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand’ (Mc 9,34). L’antidote de ce venin est : ‘Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous’ (Mc 9,35) […] Et aussi « la tentation de l’individualisme. Comme dit le dicton égyptien bien connu:’Après moi, le déluge’. C’est la tentation des égoïstes qui, chemin faisant, perdent le but et, au lieu de penser aux autres, pensent à eux-mêmes, n’en éprouvent aucune honte, au contraire, s’en justifient. L’Église est la communauté des fidèles, le Corps du Christ, où le salut d’un membre est lié à la sainteté de tous (cf. 1Co12,12-27 ; Lumen gentium, 7). L’individualiste, au contraire, est motif de scandale et de conflit. »
Le pouvoir agit sur l’homme comme l’alcool sur un estomac vide
À la conférence « TED 2017 » (diffusion d’idées qui en valent la peine), le 25 avril 2017 :
« Plus vous êtes puissant, plus vos actions auront des conséquences sur les hommes, plus vous devrez agir avec humilité […] Si vous ne le faites pas, votre pouvoir vous détruira, vous, mais aussi l’autre […] Le pouvoir agit sur l’homme comme l’alcool sur un estomac vide. La tête vous tourne, vous êtes saoul, vous perdez l’équilibre et vous finissez par vous faire mal et faire mal aux autres, si vous ne reliez pas votre pouvoir à l’humilité et à la tendresse […] L’avenir de l’humanité n’est pas seulement entre les mains des politiciens, des grands dirigeants, des grandes sociétés », mais avant tout « entre les mains des hommes qui reconnaissent l’autre comme un individu, et eux-mêmes comme un élément du ‘nous’ ».
La « révolution de la tendresse, c’est l’amour qui se rapproche et se concrétise […] La tendresse nous demande de nous servir de nos mains et de notre cœur pour réconforter l’autre, pour prendre soin de ceux dans le besoin »
L’ancre est sur la plage du ciel
Audience générale du 26 avril 2017 :
« Parmi les symboles chrétiens de l’espérance, ce n’est pas le hasard s’il y en a un qui me plait beaucoup : l’ancre. Elle exprime le fait que notre espérance n’est pas vague ; il ne faut pas la confondre avec le sentiment changeant de celui qui veut améliorer les choses de ce monde de manière velléitaire, en s’appuyant uniquement sur la force de sa volonté. En effet, l’espérance chrétienne trouve sa racine non pas dans l’attraction de l’avenir, mais dans l’assurance de ce que Dieu nous a promis et a réalisé en Jésus-Christ. S’il nous a garanti qu’il ne nous abandonnera jamais, si le début de toute vocation est un ‘suis-moi !’, par lequel il nous assure de rester toujours devant nous, alors pourquoi craindre ? Avec cette promesse, les chrétiens peuvent aller partout. Même si nous traversons des portions du monde blessé, où les choses ne vont pas bien, nous faisons partie de ceux qui, là aussi, continuent d’espérer. Le psaume dit : ‘Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi’ (Ps 23,4). C’est précisément là où l’obscurité se propage qu’il faut garder une lampe allumée. […] Notre foi est l’ancre dans le ciel. Nous avons notre vie ancrée dans le ciel. Que devons-nous faire ? Nous agripper à la corde : elle est toujours là. Et nous avançons parce que nous sommes sûrs que notre vie a comme une ancre dans le ciel, sur la rive que nous atteindrons.
Certes, si nous ne comptions que sur nos forces, nous aurions raison de nous sentir déçus et vaincus parce que le monde se montre souvent réfractaire aux lois de l’amour. Il préfère souvent les lois de l’égoïsme. Mais si survit en nous la certitude que Dieu ne nous abandonne pas, que Dieu nous aime tendrement, nous et ce monde, alors la perspective change tout de suite. ‘Homo viator, spe erectus’ disaient les anciens. Le long du chemin, la promesse de Jésus ‘Je suis avec vous’ nous garde debout, droits, dans l’espérance, confiant que le Dieu bon est déjà au travail pour réaliser ce qui paraît humainement impossible, parce que l’ancre est sur la plage du ciel. »
Le Verbe s’est fait chair, il ne s’est pas fait idée
À Sainte-Marthe, le 24 avril 2017 :
Le Verbe ne s’est pas fait idée : il s’est fait chair. Et quand nous récitons le Credo, nous disons tous des choses concrètes : ‘Je crois en Dieu le Père, qui a fait le ciel et la terre, je crois en Jésus Christ qui est né, qui est mort …’, ce sont toutes des choses concrètes. Notre Credo ne dit pas : ‘je crois que je dois faire ceci, que je fois faire cela …’: non ! ».
Pour les docteurs de la loi au contraire, le Verbe « ne s’est pas fait chair : il s’est fait loi : il faut ‘faire comme cela et pas autrement’. Ils étaient mis en cage dans cette mentalité rationaliste, qui n’a pas fini avec eux… parce que dans l’histoire de l’Église, si souvent, cette même Église a condamné le rationalisme, les Lumières, puis tant de fois est tombée dans une théologie du ‘on peut et on ne peut pas’, du ‘jusqu’ici et jusque-là’, et a oublié la force, la liberté de l’Esprit […] Demandons au Seigneur cette expérience de l’Esprit qui va et vient et nous conduit, de l’Esprit qui nous donne l’onction de la foi, l’onction de l'aspect concret de la foi » ;
Dieu fait croître ses plus belles fleurs au milieu des pierres les plus arides.
Audience générale, 19 avril 2017
« Un cœur fermé, un cœur rationaliste est incapable d’étonnement et ne peut comprendre ce qu’est le christianisme. Parce que le christianisme est une grâce et la grâce ne peut que se percevoir et en plus, elle se manifeste dans l’étonnement de la rencontre.
Et alors, même si nous sommes pécheurs – nous le sommes tous – si nos bonnes résolutions sont restées sur le papier ou si, en regardant notre vie, nous nous apercevons que nous avons accumulé les échecs… Au matin de Pâques, nous pouvons faire comme ces personnes dont nous parle l’Évangile : aller au sépulcre du Christ, voir la grande pierre roulée et penser que Dieu est en train de réaliser pour moi, pour nous tous, un avenir inattendu. Aller à notre sépulcre : nous en avons tous un petit à l’intérieur. Y aller, et voir comment Dieu est capable de ressusciter de là. Là, il y a le bonheur, là il y a la joie, la vie, là où tous pensaient qu’il n’y avait que tristesse, échec et ténèbres. Dieu fait croître ses plus belles fleurs au milieu des pierres les plus arides. »
L’espérance n’est pas un téléphone portable
Audience générale, 5 avril 2017
« Notre espérance n’est pas un concept, ce n’est pas un sentiment, ce n’est pas un téléphone portable, ce n’est pas un tas de richesses ! Notre espérance est une personne, c’est le Seigneur Jésus que nous reconnaissons vivant et présent en nous et en nos frères […] Si le Christ est vivant et habite en nous, dans notre cœur, alors nous devons aussi lui permettre de se rendre visible […] et d’agir en nous […]. Nous devons apprendre à nous comporter comme il s’est comporté. Faire ce que faisait Jésus ». Notre espérance, « doit nécessairement sortir de sa prison, prenant la forme exquise et incomparable de la douceur, du respect et de la bienveillance envers le prochain, arrivant carrément à pardonner celui qui nous fait du mal ».