La direction spirituelle

La direction spirituelle, ou accompagnement spirituel, a toujours existé dans l’Église. Jésus la pratique avec ses apôtres, pour qu’ils soient aptes à remplir la mission qui leur confie d’annoncer l’Évangile « jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1, 8). Saint Paul agit de même envers ses disciples Tite et Timothée dans les épîtres qu’il leur adresse. Il serait facile de suivre l’évolution de cette aide au long des siècles. Dans les premiers temps de l’Église, la direction spirituelle est donnée par l’évêque de façon collective à des groupes de fidèles qui aspirent plus intensément que d’autres à la perfection. Elle devient individuelle avec les Pères du désert, dans la dépendance d’un ermite, et se trouve déjà associée à la confession. Les Pères de l’Église rédigent des traités sur les vertus et les vices à l’usage des laïcs, ou donnent une direction spirituelle d’ordre général dans le cadre de leurs sermons.
Plus tard, la direction spirituelle est habituelle chez les religieux et les religieuses. La Règle de saint Benoît, les écrits de saint Bernard, les sermons de Tauler et de bien d’autres en témoignent. On trouve des cas dans lesquels ce sont des laïcs qui assurent cet accompagnement spirituel : sainte Catherine de Sienne pour les membres de la famille spirituelle qui l’entourait, sainte Catherine de Gênes pour ceux qui servaient avec elle dans les hôpitaux, etc.
À l’époque moderne apparaissent les exercices spirituels dont l’archétype sont les ejercicios espirituales de saint Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites. En France, la pratique de la direction spirituelle se répand aux XVIe et XVIIe siècles. On retiendra les noms de Bérulle, Condren, saint Vincent de Paul, Monsieur Olier, Bossuet, Fénelon, l’abbé de Rancé, Henri Boudon et, peut-être plus que tout, saint François de Sales, avec sa célèbre Introduction à la vie dévote et ses Lettres spirituelles.
Comme le nom l’indique, cet accompagnement est d’ordre spirituel. C’est-à-dire qu’il est une aide pour la vie intérieure de la personne, pour la conduire sur la voie de la pratique des vertus et de la lutte contre le mal, pour tendre effectivement vers la sainteté dans la vie de tous les jours. Le directeur de conscience contribue à déceler les qualités de l’individu pour qu’il les développe à l’aide de la grâce divine et aide chacun à prendre les moyens nécessaires pour être fidèle à sa vocation chrétienne à la sainteté. Mais le directeur spirituel n’a pas pour fonction de se substituer à l’intéressé, ni de lui dicter les décisions qu’il doit prendre dans la vie : nombre d’enfants, choix professionnels, décisions de vote aux élections, etc. Ce sont des domaines qui doivent rester en dehors du cadre de l’accompagnement spirituel. Cependant, ils ont une incidence sur la vie chrétienne, une portée morale qui, elles, relèvent du domaine spirituel. Il est donc parfaitement logique, pour celui qui veut être cohérent avec sa foi, d’exposer les difficultés d’ordre intérieur qu’il rencontre à l’occasion de l’exercice de son travail professionnel, dans sa famille, dans ses relations, etc., non pour obtenir « la solution » catholique, qui n’existe pas, mais pour former sa conscience selon l’enseignement de l’Église et, ensuite, prendre personnellement et sous sa responsabilité les décisions qu’il estime justes en son âme et conscience.

La véritable direction spirituelle suppose la régularité et s’inscrit dans la durée. Il est logique, pour qu’elle ait un minimum d’efficacité, qu’elle soit assurée habituellement par la même personne, prêtre ou laïc. Changer de directeur spirituel fréquemment ou parce que l’on veut entendre des conseils plus adaptés à notre façon devoir les choses, est signe d’orgueil et de manque de droiture d’intention. Une telle attitude ne traduirait pas un désir véritable de sainteté. Car une vertu essentielle à l’accompagnement spirituel est la docilité. L’accompagnement est fondé sur la confiance réciproque. Suivre les conseils, même s’ils paraissent aller à l’encontre de ce que l’on croit être la volonté de Dieu est la garantie d’un véritable progrès spirituel. Rappelons-nous le cas de sainte Thérèse d’Avila à qui il est arrivé que son confesseur lui dise le contraire de ce que Dieu lui disait dans sa prière. Interrogeant Dieu sur ce qu’elle devait faire, il lui indiqua de suivre son directeur de conscience, parce que, comme le disent les moralistes, obedientia tutior, l’obéissance est le chemin le plus sûr.
« Il est nécessaire de redécouvrir la grande tradition de l’accompagnement spirituel personnel, qui a toujours donné des fruits nombreux et précieux dans la vie de l’Église, démarche qui peut être complétée, dans des cas déterminés et des conditions précises, par des formes d’analyse ou de secours psychologiques, mais non remplacée par elles. Les enfants, les adolescents et les jeunes seront invités à découvrir et à apprécier le don de la direction spirituelle, à le rechercher, à en faire l’expérience, à le demander avec une confiante insistance à leurs éducateurs dans la foi. Les prêtres, de leur côté, doivent être les premiers à consacrer du temps et de l’énergie à cette œuvre d’éducation et de soutien spirituel personnel : ils ne regretteront jamais d’avoir négligé ou fait passer au second plan beaucoup d’autres choses, même belles et utiles, si cela était inévitable pour continuer à croire à leur ministère de collaborateurs de l’Esprit afin d’éclairer et de conduire ceux qui sont appelés » (Jean-Paul II, exhortation apostolique Pastores dabo vobis, 25 mars 1992, n° 40).
Voici quelques conseils en la matière : « Reçois les conseils que l’on te donne dans la direction spirituelle comme s’ils venaient de Jésus-Christ lui-même. » « Aime celui qui a charge de ton âme, et recherche son aide. Dans la direction spirituelle mets ton cœur à nu, complètement — montre-le pourri s’il est pourri ! Sois sincère, aie envie de guérir, faute de quoi cette pourriture ne disparaîtra jamais. » « Mon enfant, s’il t’arrive de tomber, dépêche-toi d’aller te confesser, de te confier à ton directeur spirituel. Montre ta plaie ! pour qu’on te guérisse complètement ; pour qu’on écarte de toi tout risque d’infection, même si cela te fait souffrir, comme fait souffrir une opération chirurgicale » (saint Josémaria, Forge, n° 125, 128, 192).