Lc 10,21-24 : La paix et la joie des enfants de Dieu; « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! »

Mardi de la 1ère semaine de l'Avent

Jésus, exultant de joie sous l'action de l'Esprit Saint, dit :

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. 

Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » 

Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! 

Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. » 

Commentaire 1

Homélie lors de la messe annuelle des responsables politiques - Sainte-Clotilde, mardi 2 décembre 2008


« Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! » (Lc 10, 23). Cette apostrophe de Jésus à ses disciples nous laisse parfois perplexes. Bien sur, nous pouvons l’interpréter comme une bénédiction qui vise exclusivement les disciples qui avaient assisté en témoins émerveillés aux événements historiques de la venue du Christ et du déroulement de son ministère.
Mais dans la foi chrétienne, les Écritures ne sont pas seulement un récit historique sans pertinence actuelle. Elles sont aussi reçues dans la foi comme Parole de Dieu aujourd’hui pour nous.
Ainsi la joie du Christ qui exulte sous l’action de l’Esprit-Saint dit quelque chose sur notre situation aujourd’hui, comme la prophétie d’Isaïe dit quelque chose sur ce que nous vivons actuellement. Le monde nouveau de justice et de paix, qu’a inauguré le Messie « sorti de la souche de Jessé » (Is 11, 1), peut nous faire rêver dans les moments difficiles que traverse le monde, ou peut-être peut-il aussi faire partie du témoignage de la foi chrétienne d’annoncer une véritable espérance.
Permettez-moi simplement ce soir de partager avec vous quelques uns des motifs de cette espérance.
Il y a bientôt trois mois, nous avons eu la joie d’accueillir le Pape Benoît XVI en France, et je sais que nombre d’entre vous ont tenu à participer à l’un ou l’autre des rassemblements qui ont marqué son passage parmi nous ou du moins à en suivre les échos médiatiques. Même si certains pontifes du commentaire infaillible ont peiné à en prendre leur parti, tous ont bien dû s’incliner devant les faits : la figure de l’Église catholique en France, telle qu’elle apparaissait était celle d’un corps vivant et motivé, essentiellement composé de jeunes adultes ou de jeunes familles ; un corps certes très diversifié, mais serein et uni dans la profession de foi ; un corps joyeux et heureux de vivre ce moment intense.
Nous sommes bien éloignés des images stéréotypées, que véhiculent encore paresseusement quelques informateurs, d’une Église de vieillards, sans prise sur les jeunes générations, sans intelligence sur le temps que nous vivons, sans prise sur la réalité, en voie de dégénérescence rapide et d’extinction sociale. Bref, d’une force sociale qui ne serait plus qu’une faiblesse dont il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter. À ce jour, je ne crois pas qu’il y ait en France beaucoup de corps sociaux qui offrent une telle vitalité et une telle sérénité.
Je n’en tire aucun motif de triomphalisme, mais pour des personnes aussi averties que vous de la vie publique, je pense que cette vitalité est une espérance non seulement pour les catholiques, mais encore pour la société dans son ensemble.
Un deuxième motif d’espérance me vient d’une certaine appréciation de l’évolution des mentalités dans notre société. Vous trouvez peut-être que je suis exagérément optimiste, mais il me semble que nos concitoyens sont plus ouverts aux questionnements éthiques qu’ils ne l’étaient il y a une quinzaine d’années. Sans doute, différents événements et différents courants d’opinion ont-ils contribué à cette évolution.
Permettez-moi de vous dire que je compte parmi ces éléments le courage personnel et politique d’un certain nombre d’élus qui n’ont jamais accepté de se plier aux diktats des idées toutes faites et qui ont eu assez de détermination pour témoigner de leurs convictions, non seulement à l’égard de leurs adversaires politiques, mais aussi à l’égard de leurs amis, ce qui est parfois plus difficile.
Plus de modestie envers les prouesses économiques de notre système, c’est le moins que l’on puisse dire ; moins de crédulité naïve dans les grandes promesses thérapeutiques jamais étayées par des résultats vérifiables ; plus de sensibilité à la fragilité de notre environnement et à l’irresponsabilité de la gestion des ressources naturelles sont autant de facteurs qui nous ont conduits à plus de réalisme et plus d’esprit critique.
Aujourd’hui il est à nouveau possible de réfléchir et de poser certaines questions de sagesse, censurées il y a encore quelques années. Cette plus grande liberté d’esprit n’élimine pas les campagnes de lobbying et leurs informations partiales ou mensongères. Elle permet du moins de les identifier et de les nommer sans être stigmatisé comme les derniers représentants de l’obscurantisme.
Cette plus grande liberté dans l’expression de convictions différentes sur la dignité de l’homme et sur son avenir est une ressource précieuse en ces temps où nous allons être entraînés dans le grand débat des États Généraux sur les lois de bioéthique.
Si nous souhaitons que ces débats soient vraiment généraux et ne se réduisent pas à des luttes d’influence entre les diverses idéologies ou entre les représentants des lobbies économiques, il nous revient de faire entendre des arguments de raison. Le travail qui a été mené par la Conférence des évêques de France sur ce sujet a abouti à un dossier important que vos évêques vont vous transmettre.
Il réunit les avis de différents spécialistes sur les questions retenues pour les États Généraux. Notre propos n’est pas d’imposer à la société des vues particulières, mais de fournir des éléments d’appréciation dans le dialogue auquel nous sommes invités.
Plus profondément, il pose une question de droit dans le fonctionnement de notre démocratie. Nous savons bien que le droit positif, dont vous avez la lourde charge d’établir l’expression législative, ne peut pas être une simple répétition des principes fondamentaux.
Il doit être l’expression de leur mise en œuvre dans une législation pratique. Mais nous savons aussi que le droit positif ne peut pas se borner à rappeler les grands principes en formulant aussitôt la liste des dérogations qui permettront de les transgresser avec l’approbation du législateur.
En cette année où nous fêtons avec la grandeur qui convient le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, il peut ne pas être inutile de rappeler que cette déclaration n’est pas une simple invocation sans effet pratique.
Si la loi définit des frontières à ne pas franchir, elle ne peut pas, en même temps, fournir les moyens de les violer sans infraction. Après plus de dix ans sous le régime des premières lois de bioéthique, l’expérience nous montre que les exceptions ne sont souvent que une manière déguisée de donner une autorisation en sauvegardant l’attachement aux grands principes.
À moins que ce ne soit une tactique pour abaisser les résistances et accoutumer les consciences à la transgression. Un peu de recul permet de faire une véritable évaluation des enjeux et des risques et d’appliquer à l’égard de l’homme et de l’humanité le fameux principe de précaution dont on se réclame si volontiers pour tant de sujets bien moins importants.
Un troisième motif d’espérance peut nous venir des difficultés mêmes que nous traversons. Les contraintes du système économique dans lequel nous fonctionnons nous amènent, qu’on le veuille ou non, à reconnaître que les ressources de notre univers sont limitées et que le rêve d’un développement indéfini de notre mode de vie touche à ses limites lui-aussi.
L’accroissement continu de la consommation ne peut plus être le seul moteur de l’activité économique et c’est toute une conception de l’existence qui se trouve remise en cause. Pourquoi ne pas espérer que cette remise en cause, si elle n’est pas escamotée par des promesses illusoires, permette à nos concitoyens de retrouver ou d’inventer de nouvelles aspirations, de nouveaux objectifs et de nouvelles satisfactions ?
Les transformations d’une société sont des changements très lents et qui se mesurent en décennies. Les épreuves que nous rencontrons sur les chemins de l’histoire marquent parfois la fin d’un monde.
Elles peuvent être aussi les germes d’une nouveauté que nous ne connaissons pas encore. Le regard de la foi sur la vie des hommes nourrit l’espérance que Dieu aujourd’hui encore fait toutes choses nouvelles. Notre tâche de chrétiens est de chercher avec confiance et détermination les éléments de cette nouveauté et de les faire ressortir en même temps que nous nous employons à les soutenir et à les faire fructifier.
J’en suis convaincu, la promesse d’un monde nouveau fait de justice et de paix n’est ni une utopie ni une illusion, elle est la promesse de Dieu pour chaque époque de l’histoire des hommes, -et donc pour la nôtre-. Elle est la conviction qui nous soutient devant les difficultés quotidiennes. Elle est la motivation qui nous anime quand nous défendons la dignité humaine. Elle est notre espérance !

 

+ André cardinal Vingt-Trois
archevêque de Paris

Commentaire 2

  • La paix, don de Dieu, peut se perdre par le péché.
  • J’apporte la joie et la sérénité à celui qui en est privé.
  • La filiation divine est le fondement de notre paix et de notre joie.

I. La paix est l’un des biens les plus précieux que sollicite constamment le peuple élu dans l’Ancien Testament, et ce don est promis par Yahvé au peuple d’Israël comme récompense pour sa fidélité [01] ; il apparaît vraiment comme l’œuvre de Dieu [02], suivie d’innombrables bienfaits. Mais la véritable paix arrivera sur la terre avec la venue du Messie. C’est pourquoi les anges l’annoncent en chantant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté [03]. L’Avent et Noël sont vraiment les moments les plus opportuns pour que la paix grandisse dans nos cœurs, et c’est le meilleur moment pour demander la paix dans ce monde plein de conflits dramatiques et d’insatisfactions nombreuses.
Voyez : Notre Seigneur arrive avec force. Pour visiter son peuple avec la paix et lui donner la vie éternelle [04]. Isaïe nous rappelle dans la première lecture de la messe que dans l’ère messianique le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble [05]. Ces images qui illustrent l’harmonie originelle de la création spirituelle et matérielle sont une promesse. C’est le Seigneur qui est le Prince de la paix [06], et qui, dès sa naissance, nous apporte ce message de la seule paix véritable et de la seule joie sûre. Il va semer tout au long de l’histoire sur tous les chemins, dans toutes les consciences qui l’accueillent : La paix soit avec vous ; c’est moi, ne craignez point ! [07] La présence du Christ dans nos vies est, en toute circonstance, la source d’une paix sereine et inaltérable : C’est moi, ne craignez point ! nous dit-il, à nous aujourd’hui.
Ces enseignements du Seigneur constituent la bonne nouvelle de la paix [08], le trésor laissé en héritage aux disciples de tous les temps : je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne [09]. « La paix sur la terre, née de l’amour du prochain, est l’image et l’effet de la paix du Christ, qui procède de Dieu le Père. En effet son propre Fils incarné, Prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu au moyen de sa croix (…), il a mis à mort la haine dans sa propre chair et, après le triomphe de sa résurrection, il a infusé l’Esprit d’amour au cœur des hommes. [10] » Cette paix transcende complètement la paix du monde, souvent superficielle et apparente, résultat, peut-être, de l’égoïsme, compatible avec l’injustice.
Si le Christ est notre paix [11], notre joie, le péché, au contraire, sème la solitude, l’inquiétude et la tristesse dans l’âme. La paix du chrétien, si nécessaire à l’apostolat et à la convivialité avec les autres, consiste à avoir un ordre intérieur, à connaître ses misères et ses vertus, à respecter les autres, à avoir confiance dans le Seigneur qui ne nous abandonne jamais. Elle se nourrit de l’humilité, de la filiation divine et de la lutte contre les passions, qui peuvent être parfois une source de grands désordres.
Comment la perd-on ? L’expérience ne nous enseigne-t-elle pas que c’est par le péché, par l’orgueil, par le manque de sincérité avec soi-même ou avec Dieu ? On la perd aussi par l’impatience, quand on ne sait pas voir la bienveillante main de Dieu dans les difficultés et les contrariétés.
Voilà pourquoi la confession sincère est l’un des principaux moyens donnés par Dieu pour récupérer cette paix perdue par le manque de correspondance à la grâce. « La paix avec Dieu, effet de la justification et de l’éloignement du péché ; la paix avec le prochain, fruit de la charité diffusée par l’Esprit Saint ; et la paix avec nous-mêmes, la paix de la conscience, provenant de la victoire sur les passions et sur le mal.[12] » Récupérer la paix, si nous l’avions perdue, est l’une des meilleures manifestations de charité envers ceux qui nous entourent, et aussi le premier travail pour préparer dans notre cœur l’arrivée de l’Enfant Dieu.


II. Dans la béatitude « le Seigneur ne se contente pas d’éliminer toute discussion et toute inimitié entre les uns et les autres. Il nous demande quelque chose de plus : d’essayer de mettre la paix entre ceux qui sont ennemis 13] ».
Le chrétien est appelé à être un homme ouvert à la paix, dont la présence donne sérénité et joie. Mais il s’agit de la véritable paix, pas de succédanés. Nous sommes bienheureux si nous savons apporter la paix à qui est affligé, si nous servons d’instruments d’union dans la famille, entre nos collègues de travail, avec tout le monde, même au milieu des événements de la vie courante. Pour remplir cette importante mission nous devons être humbles et affables, car l’orgueil ne cause que des dissensions [14]. L’homme qui possède la paix dans son cœur saura la communiquer presque sans se le proposer ; et les autres chercheront en lui appui et sérénité, et c’est là une grande aide dans l’apostolat. Les personnes amères, inquiètes et pessimistes non seulement n’ont pas la paix dans leur cœur, mais en plus elles détruisent ce qu’elles trouvent sur leur passage…
Ceux qui veillent sur la paix entre les nations, qui travaillent pour elle avec une intention droite seront spécialement bénis par le Seigneur, tout comme ceux qui prient et se sacrifient pour mettre les hommes en paix avec Dieu. C’est la première tâche de toute activité apostolique. L’apostolat de la confession, qui incite à mener ses amis à ce sacrement, aura sans doute une récompense spéciale au ciel, car ce sacrement est vraiment la source la plus grande de paix et de joie dans le monde. « Les confessionnaux éparpillés dans le monde, dans lesquels les hommes manifestent leurs propres péchés, ne nous parlent pas de la sévérité de Dieu, mais de sa bonté miséricordieuse. Et ceux qui s’approchent du confessionnal, parfois après de nombreuses années et avec le poids de péchés graves, trouvent au moment de le quitter le soulagement désiré ; ils trouvent la joie et la sérénité de la conscience qu’ils ne pourront rencontrer en dehors de la confession.[15] »
Ceux qui possèdent la paix du Seigneur et la font progresser autour d’eux s’appelleront fils de Dieu [16]. Et saint Jean Chrysostome en explique la raison :« vraiment voici l’Œuvre du Fils Unique : unir ceux qui étaient séparés et réconcilier ceux qui étaient en guerre.[17] » Dans notre propre famille, sur nos lieux de travail, parmi nos amis ne pourrions-nous pas promouvoir en ce temps de l’Avent une plus grande union avec Dieu chez les personnes qui nous entourent, et une convivialité encore plus aimable et plus joyeuse ?


III. « Quand l’homme oublie sa destinée éternelle et que l’horizon de sa vie se limite à l’existence sur terre, il se contente d’une paix fictive, d’une tranquillité seulement extérieure à laquelle il demande la sauvegarde du maximum de bien-être matériel qu’on peut atteindre avec le minimum d’effort. De cette manière, il construit une paix imparfaite et instable car elle ne s’enracine pas dans la dignité de la personne humaine, faite à l’image et à la ressemblance de Dieu et appelée à la filiation divine. Vous, vous ne devez jamais vous contenter de ces succédanés de paix ; ce serait une grave erreur, dont le fruit produirait la plus amère des désillusions. Jésus-Christ l’avait déjà annoncé quand il dit à ses disciples : Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne (Jn 14, 27).
« Il existe en effet deux types de paix : celle que les homme se construisent d’eux-mêmes et celle qui est un don de Dieu ; (…) celle qui s’impose par le pouvoir des armes et celle qui naît du cœur. La première est fragile et peu sûre ; on pourrait l’appeler une simple apparence de paix parce qu’elle se fonde sur la peur et la méfiance. La seconde, au contraire, est une paix forte et durable parce que, en se fondant sur la justice et sur l’amour, elle pénètre dans le cœur ; c’est un don que Dieu accorde à ceux qui aiment sa loi (Cf. Ps 119, 165). [18] »
Des hommes et des femmes qui ont la véritable paix dans leur cœur seront davantage capables de vivre en enfants de Dieu et vivront mieux la fraternité avec les autres. Dans la mesure où nous nous sentons vraiment fils de Dieu, nous serons les possesseurs d’une paix inaltérable.
La filiation divine, fondement de la paix et de la joie du chrétien, nous assure la protection, la chaleur paternelle et la confiance pour l’avenir : derrière tous les soucis de la vie il se cache toujours un bien car tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu [19], assurait saint Paul aux premiers chrétiens de Rome.
Considérons notre filiation quand nous avons besoin de faire face aux difficultés. « N’ayez pas peur, ne craignez aucun mal, même si les circonstances dans lesquelles vous travaillez sont terribles (…). Les mains de Dieu sont aussi puissantes et, si besoin était, elles feraient des merveilles.[20] » Puisque nous sommes bien protégés par l’amour que Dieu nous porte en voulant nous conduire vers la félicité éternelle, essayons donc, en ces jours d’Avent, de promouvoir la paix et la joie. Apprenons à rencontrer le Seigneur en tout, dans les moments difficiles aussi.
« Cherchez le visage de Celui qui habite toujours dans son Église, d’une présence réelle et corporelle. Faites, pour le moins, ce que firent les disciples. Ils avaient une foi faible, ils ne possédaient ni grande confiance ni paix, mais au moins ils ne se séparaient pas du Christ (…). Ne vous défendez pas de lui. Au contraire, quand vous êtes dans l’embarras allez à lui jour après jour, lui demandant avec ferveur et avec persévérance ce que lui seul peut vous octroyer (…). Ainsi, même s’il remarque que vous manquez de fermeté, ce qui ne devrait pas arriver, il daignera réprimander les vents et la mer, et il dira : Du calme, soyez tranquilles. Et il y aura une grande paix.[21] »
Sainte Marie, Reine de la paix, aide-nous à avoir cette paix dans nos cœurs, à la récupérer si nous l’avions perdue, à la communiquer à ceux qui nous entourent ! Puisque la fête de l’Immaculée Conception approche accourons à elle toute la journée, tenons-la davantage présente dans notre travail, offrons-lui des petites marques d’affection, simplement, comme les enfants à leurs parents.


[01] Lev 26, 6.
[02] Is 26, 12.
[03] Lc 2, 14.
[04] Antienne de la liturgie des heures.
[05] Cf. Is, 11, 1-10.
[06] Is 9, 6.
[07] Lc 24, 36.
[08] Act. 10, 36.
[09] Jn 14, 27.
[10] Conc. Vat. II. Const. Gaudium et spes, 78.
[11] Eph 2, 14.
[12] Jean-Paul II, Discours à l’Univ. 86, Rome 24-3-1986.
[13] Saint Jean Chrysostome, Homélie sur saint Matthieu, 15, 4.
[14] Prov 13, 10.
[15] Jean-Paul II, Hom. à la Paroisse de St. Ignace d’A., Rome 16-3-1980.
[16]Cf. Mt 5, 9.
[17] Saint Jean Chrysostome, Homélie sur saint Matthieu, 15, 4.
[18] Jean-Paul II, Discours à l’Univ. 86, Rome 24-3-1986.
[19] Rom 8, 28.
[20] Saint Josémaria Escriva, Amis de Dieu, 105.
[21] J. H. Newman, Sermon pour le IVe dimanche après l’Épiphanie.

 

Parler avec Dieu - Tome I aux Editions du Laurier

Commentaire 3

Cette paix bruyante
 
On ne peut pas penser à une Église sans joie, car Jésus, son époux, était plein de joie. Tous les chrétiens doivent donc vivre avec la même joie dans le cœur et la communiquer jusqu’aux confins du monde. Tel est, en synthèse, le sens de la réflexion proposée par le Pape François le 3 décembre, dans l’homélie de la messe célébrée dans la chapelle de Sainte-Marthe en la mémoire du grand évangélisateur François-Xavier. « La parole de Dieu — a dit le Pape — nous parle aujourd’hui de paix et de joie. Isaïe, dans sa prophétie (11, 1-10), nous dit comment seront les jours du Messie. Ce seront des jours de paix ». Car, a-t-il expliqué, Jésus apportera la paix entre nous et Dieu, et la paix parmi nous. La paix que nous désirons tous est donc celle qu’apporte le Messie. L’Évangile de Luc (10, 21-24) proclamé au cours de la liturgie aide à comprendre quelque chose de plus sur Jésus. « Nous pouvons entrevoir — a spécifié le Pape — un peu l’âme de Jésus, le cœur de Jésus. Un cœur joyeux ». Nous sommes en effet habitués à penser à Jésus pendant qu’il prêche, pendant qu’il guérit, pendant qu’il va sur les routes parler aux gens, ou quand il monte sur la croix. Mais « nous ne sommes pas tellement habitués à penser à Jésus souriant, joyeux. Jésus était plein de joie ». Une joie qui dérive de son intimité avec le Père. Et c’est précisément de cette relation avec le Père dans le Saint-Esprit que naît la joie intérieure de Jésus. Cette joie, a ajouté le Saint-Père, qu’« il nous donne. Et cette joie est la paix véritable. Ce n’est pas une paix statique, calme, tranquille : la paix chrétienne est une paix joyeuse », car Jésus est joyeux, Dieu est joyeux. « Dans la prière au début de la Messe nous avons demandé la grâce de la ferveur missionnaire pour que l’Église se réjouisse avec de nouveaux fils ». On ne peut pas penser à « une Église sans joie », car « Jésus a voulu que son épouse, l’Église, soit joyeuse ». Et « la joie de l’Église est précisément d’annoncer le nom de Jésus » pour pouvoir dire : « Mon époux est le Seigneur, c’est Dieu » qui « nous sauve » et « nous accompagne ». Dans cette joie d’épouse, l’Église « devient mère. Paul VI — a affirmé le Pape François en rappelant l’enseignement de son prédécesseur — disait : la joie de l’Église est précisément d’évangéliser » et de transmettre cette joie « à ses enfants ». Ainsi, nous comprenons que la paix dont « nous parle Isaïe est une paix de joie, une paix de louange, une paix, disons, bruyante dans la louange. Une paix féconde dans la maternité de nouveaux enfants, une paix qui vient précisément de la joie de la louange à la Trinité et dans l’évangélisation, c’est-à-dire en allant dire aux peuples qui est Jésus ». Paix et joie, donc. « Toujours la joie, car elle dérive d’une déclaration dogmatique de Jésus qui dit : tu as décidé ainsi, de te révéler non aux sages mais aux petits. Même dans les choses aussi sérieuses que celle-ci, Jésus est joyeux ». Ainsi, l’Église aussi doit être joyeuse. Toujours, même « pendant la période de son veuvage », a-t-il ajouté, elle « est joyeuse dans l’espérance ». « Prions pour que le Seigneur nous donne à tous cette joie ».

Messe du Pape François à Sainte-Marthe, Mardi 3 décembre 2013

Commentaire 4

Seul l’humble comprend
 
La grandeur du mystère de Jésus ne peut être connue qu’en s’humiliant et en s’abaissant comme il l’a fait, lui qui est arrivé au point d’être « exclu » et qui ne s’est certainement pas présenté comme un « général ou un gouverneur ». Les théologiens eux-mêmes, s’ils ne font pas de la « théologie à genoux », risquent de dire « beaucoup de choses » mais de ne « rien » comprendre. Être humbles et doux, donc, est la suggestion proposée par François, mardi matin, 2 décembre, lors de la Messe célébrée dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe.
« Les textes liturgiques que l’Église nous offre aujourd’hui — a immédiatement fait remarquer le Pape — nous rapprochent du mystère de Jésus, du mystère de sa personne » (cf. Luc 10, 21-24).
Le Père, a réaffirmé le Pape, « seul le Fils le connaît : Jésus connaît le Père ». Et ainsi « quand Philippe va voir Jésus et dit : montre-nous le Père” », le Seigneur lui répond : « Philippe, celui qui me voit, voit le Père ».
François a donc rappelé que « dans ce discours de congé, après la Cène », Jésus répète de nombreuses fois : « Père, qu’ils soient un, comme toi et moi ». Et « il promet le Saint-Esprit, car c’est précisément le Saint-Esprit qui fait cette unité, comme il la fait entre le Père et le Fils ». Et « Jésus exulte de joie dans le Saint-Esprit ».
« Cela sert un peu à nous rapprocher de ce mystère de Jésus » a expliqué le Pape. Mais « ce mystère n’est pas resté seulement entre eux, il nous a été révélé ». Le Père, donc, « a été révélé par Jésus : il nous fait connaître le Père ; il nous fait connaître cette vie intérieure qu’il a ». Et « à qui le Père révèle-t-il cela, à qui donne-t-il cette grâce ? » s’est demandé le Pape. La réponse est donnée par Jésus lui-même, comme le rapporte Luc dans son Évangile : « Je te rends louange, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, car tu as caché ces choses aux sages et aux savants et tu les as révélées aux tout petits ».
Donc, « seuls ceux qui ont le cœur comme les petits sont capables de recevoir cette révélation ». Seul « le cœur humble, doux, qui ressent le besoin de prier, de s’ouvrir à Dieu, qui se sent pauvre ». En un mot, « seul celui qui va de l’avant avec la première béatitude : les pauvres en esprit ».
Assurément, a reconnu le Pape, « de nombreuses personnes peuvent connaître la science, la théologie pure ». Mais « si elles ne font pas cette théologie à genoux, c’est-à-dire humblement, comme les tout petits, elles ne comprendront rien ». Il se peut « qu’elle nous disent beaucoup de choses, mais elles ne comprendront rien ».
Le Pape a remarqué que « l’on ne peut pas recevoir cette révélation dehors, en dehors de la manière dont Jésus l’apporte : dans l’humilité, en s’abaissant soi-même ». On ne peut jamais oublier que « le Verbe s’est fait chair, qu’il s’est laissé exclure pour apporter le salut aux exclus ». Et « quand le grand Jean-Baptiste, en prison, ne comprend pas bien comme se passaient ces choses là, avec Jésus, et qu’il était un peu perplexe, il envoie ses disciples poser la question : “Jean te demande : c’est toi, ou nous devons en attendre un autre ?” ».
À la demande de Jean, Jésus ne répond pas : « C'est moi le Fils ». Il dit en revanche : « Regardez, voyez tout cela, et ensuite dites à Jean ce que vous avez vu » : c’est-à-dire que « les lépreux sont guéris, les pauvres sont évangélisés, les exclus sont retrouvés ».
Dans cette perspective, en ce temps d’Avent, François a invité à prier pour demander la grâce « au Seigneur de nous approcher davantage, davantage, davantage de son mystère, et de le faire sur la route qu’il veut que nous suivions : la route de l’humilité, la route de la douceur, la route de la pauvreté, la route où nous nous sentons pécheurs ». Car c’est ainsi, a-t-il conclu, qu’« il vient nous sauver, nous libérer ».

Messe du Pape François à Sainte-Marthe, Mardi 2 décembre 2014

Commentaire 5

La force des petits
 
Pour rencontrer le Seigneur  « qui vient et qui viendra », il faut avoir  « de grands cœurs, mais des attitudes de petits », en allant de l’avant avec la  « joie des humbles » qui sont conscients d’être sans cesse sous le regard du Seigneur. C’est le style de vie qui est demandé à chaque chrétien. Proposant une réflexion sur le thème de l’ « humilité », le Pape s’est arrêté devant l’image évangélique (Lc, 10, 21-24) de Jésus qui  « exulta de joie dans la louange au Père ». Quelle est la raison de la joie de Jésus ?  « Parce que le Seigneur révèle aux petits les mystères du salut, le mystère de lui-même ». En effet, le Seigneur  « préfère les petits », parce que  « les petits savent comprendre quel est ce mystère ». C’est ce que confirme également la première lecture proposée par la liturgie du jour et tirée du livre du prophète Isaïe (11, 1-10). On lit ainsi qu’ « un bourgeon naîtra du trône de Jessé »,  « un petit bourgeon, une petite chose ».  « À Noël nous verrons cette petitesse, cette petite chose  : un enfant, une étable, une maman, un papa... ». Voilà l’importance d’avoir  « de grands cœurs, mais des attitudes de petits ». Ainsi,  « sur ce bourgeon se posera l’Esprit du Seigneur, l’Esprit Saint ». Et ce bourgeon aura  « cette vertu » qui est propre aux petits, c’est-à-dire  « la crainte du Seigneur ». Il  « marchera dans la crainte du Seigneur ». Mais attention  : crainte du Seigneur ne signifie pas  « peur ». Cela signifie, en revanche, apporter dans sa propre vie  « le commandement que Dieu a donné à notre père Abraham  : “Marche dans ma présence et sois irrépréhensible”«. Et tout cela signifie  « humilité. La crainte du Seigneur est l’humilité ». Voilà pourquoi  « seuls les petits sont capables de comprendre pleinement le sens de l’humilité, le sens de la crainte du Seigneur, parce qu’ils marchent devant le Seigneur, toujours »  : ceux-ci, en effet,  « se sentent regardés par le Seigneur, protégés par le Seigneur  ; ils sentent que le Seigneur est avec eux, qu’il leur donne la force d’aller de l’avant ». Les petits comprennent qu’ils sont  « un petit bourgeon sur un très grand tronc », un bourgeon sur lequel  « vient l’Esprit Saint ». Ils incarnent ainsi l’ « humilité chrétienne » qui les conduit à reconnaître  :  « Tu es Dieu, je suis une personne, je vais de l’avant ainsi, avec les petites choses de la vie, mais en marchant en ta présence et en cherchant à être irrépréhensible ». C’est là que se trouve la force ». Un exemple clair, a-t-il ajouté, peut se présenter à nous, si nous pensons à Nazareth  :  « Dieu, pour envoyer son Fils, regarde une jeune fille humble, très humble, qui immédiatement après part en voyage pour aider une cousine qui en avait besoin et ne dit rien de ce qui lui était arrivé ». L’humilité est ainsi  :  « C’est marcher en présence du Seigneur, heureux, joyeux parce que c’est là la joie des humbles  : être regardés par le Seigneur ». C’est pourquoi,  « il est nécessaire d’avoir beaucoup d’humilité » et de se rappeler toujours que  « l’humilité est un don, un don de l’Esprit Saint ».


Messe du Pape François à Sainte-Marthe, Mardi, 29 novembre 2016